IF WE WERE IN A MOVIE
Protecteur ✐ Honnête ✐ Attentionné ✐ Romantique ✐ Courageux
Jaloux ✐ Impulsif ✐ Bagarreur ✐ Têtu ✐ Renfermé
Seattle, 1992.« Alors, Monsieur et Madame Saint-James, vous vous êtes un peu familiarisé avec les enfants ? » . Dans le bureau de l'orphelinat de Seattle, appelé avec tact centre d'accueil et de protection de l'enfance, une assistante sociale fatiguée fait face à un riche couple de Londoniens. Au premier abord, ils ont l'air vraiment excités à propos de la procédure d'adoption en cours, mais si on regarde de plus près, on se rend compte que ce n'est pas une saine impatience. La femme a les yeux brillants, comme la fois où son mari lui acheté le sac Chanel modèle unique lors d'une vente aux enchères. Le mari est très calme, presque professionnel, comme s'il s'apprêtait à conclure une affaire, plutôt que d'adopter un petit enfant. Le mari répond en premier.
« Et bien, le petit Alec a retenu notre attention... » . Sa femme lui coupe la parole, l'air toujours plus surexcitée.
« Oui, on veut celui là... » . C'est une jolie idiote, et son mari le lui fait comprendre d'un regard désapprobateur, mais c'est trop tard, la formulation n'a pas échappée à l'assistante sociale.
« Excusez moi, mais adopter un enfant n'est pas si simple que ça...» Elle est choquée par les propos de Louise Saint-James, à juste titre. Le mari, le voit bien, et reprend d'une voix apaisante.
« Ce qu'elle veut dire, c'est qu'aussi étrange que ça puisse paraître, nous nous sommes très vite attachés au petit Alec, nous voudrions en savoir plus sur lui, si ça ne vous dérange pas... » L'assistante sociale hoche la tête mais Louise intervient une nouvelle fois.
« Nous n'avons pas pu nous empêcher de remarquer qu'il ne semblait pas d'ici. » Le sous entendu est très clair mais l'assistante résiste à l'envie de les jeter dehors. Des coupes riches et égoïstes qui adoptent un enfant, pour se donner bonne conscience et l'exhiber à leur entourage, ce n'est malheureusement pas si rare. Mais, on ne peut raisonnablement rejeter leur demande, il y a trop d'enfants, et on est sûr qu'il ne manqueront de rien matériellement, si on les laisse partir dans de telles familles. Elle s'éclaircit la voix et récite le dossier du petit Alec, dont elle n'a jamais eu aucun mal à retenir les détails, tant il est marquant.
« Et bien, Alec est né dans une famille modeste de Seattle. Sa mère était d'origine amérindienne, pour répondre à votre question. Il n'a pas connu son père, qui est parti avant sa naissance, il a grandi avec sa mère à Seattle. Malheureusement, elle a subie une attaque très violente dans le métro, il y a quelques mois, et elle n'a pas survécu. Alec n'a que 5 ans mais ça l'a affecté, surtout qu'elle allait le chercher quand c'est arrivé, il l'a attendu des heures tout seul. Cependant, c'est un enfant très calme, trop à vrai dire. Il a tendance à se renfermer, et il lui faudra une famille réellement aimante pour que la tendance s'inverse. » Un ange passa dans le petit bureau. L'assistante avait bien insisté sur la dernière phrase et les Saint-James faisaient de leur mieux pour avoir l'air horrifiés mais tout cela sonnait faux, très faux. Le reste de l'entretien fut laborieux, mais le système était injuste, et l'argent aidant, les Saint-James eurent vite ce qu'ils voulaient. Un mois plus tard, il ramenait le petit Alec, chez eux, dans la banlieue de Londres, où ils possédaient une grande villa.
Londres, 2005. Je gare ma voiture de sport devant notre maison. Nous sommes dimanche, et je ne suis pas rentrée du weekend chez moi. Cependant, personne ne semble s'en être inquiété. J'ai une gueule de bois insupportable, j'ai fais la fête non stop pendant deux jours. Ou plutôt, j'ai bu plus que de raisons, afin de gagner quelques heures de bonheur artificiels, mais ce n'est qu'une question de formulation. Ce que j'entends par là, c'est qu'en principe, on fait la fête avec ses amis, alors que moi, je m'enivrai avec les fils à papas de la haute société londonienne, sans jamais me sentir à ma place. C'était des gens vides, creux, mais aussi mes seules connaissances. J'avais grandi comme ça, dans un milieu qui n'était pas le mien, avec des parents qui me voulaient au moins sénateurs, et qui encourageaient vivement toutes relations qui seraient bénéfiques à mon avenir. Mais je savais aussi que mes parents n'étaient pas mes parents. En soi, cela n'aurait pas dû me poser de problèmes, les enfants adoptés tissaient toujours des liens avec ceux qui les recueillaient mais il faut croire que j'avais une certaine malchance dans la vie. Ayant perdus mes vrais parents, ceux que j'avais retrouvé n'en étaient pas vraiment. Mon adoption avait surtout été motivée par le fait qu'il leur manquait un fils, et que c'était inadmissible que les Saint-James n'aient pas quelque chose que les autres avaient. Ils m'avaient donc ramené d'un orphelinat américain, on se demande d'ailleurs pourquoi ils sont allés me chercher aussi loin, mais ils ont oubliés de me donner quelque chose de capital : de l'amour. Je me rendais compte maintenant que j'en avais l'âge, malgré toute l'aisance matérielle qu'il m'avait procurée, nous n'étions pas une famille. Et je crois bien que c'était trop tard. Mais à quoi cela servait-il de s'apitoyer ? Mon mal de tête empirant, j'entrais dans la maison, la trouvant comme d'habitude, silencieuse. Il n'y avait aucune vie dans cette maison. Décorée par un architecte célèbre, elle était toujours impeccable grâce aux bons soins de la bonne mais elle n'avait aucune âme. Elle était aussi fausse que le reste de la vie de mes parents adoptifs. Et de la mienne par la même occasion. Je parcourus la maison, souhaitant néanmoins voir quelqu'un. Je savais que mon père était en voyage d'affaires, depuis tellement longtemps en fait que ce n'était plus vraiment un voyage mais il devait quand même y avoir quelqu'un dans la maison. Je finis par trouver ma mère, dans le jardin, au bord de la piscine, s'abandonnant à sa nouvelle lubie : le yoga. Je la regardais quelques instants, moqueur, je l'avoue puis me décidais à l'interrompre.
« Salut Maman. » Elle détestait que je l'appelle comme ça, c'est pourquoi je continuai avec constance. Mais elle ne répondit pas. J'insistais.
« Euh... mère ? . » Enfin, elle sembla émerger de sa transe. Vivement à vrai dire, ce qui voulait dire que j'avais réussi à l'énerver un tant soit peu. Ce qui en soi était une victoire puisque ainsi je bénéficiais de son attention.
« Combien de fois, je t'ai dit de ne pas m'appeler comme ça, Alec ? Ça me vieillit affreusement. » . Je fis une petite révérence ironique.
« D'accord, Louise. Je voulais juste te prévenir que j'étais rentré. » Elle eut une mimique agacée.
« Figures toi que je l'ai remarquée toute seule, tu troubles ma méditation !!. » Renonçant à me battre avec elle, je tournais les talons, soudain désireux d'aller me coucher, jusqu'autant que cette horrible migraine disparaisse. Dans deux heures, je me battrais avec elle, quand elle saurait que j'étais renvoyée de l'école privée, parce que je m'étais battu deux fois, et que ça continuerait le lendemain avec mon père, mais pour le moment, elle était comme d'habitude, indifférente à mon sort.
Londres 2006. « Je t'en supplies, Katherine, ne me fait pas ça. » Elle me regarde, elle a l'air presque désolée.
« Je suis désolée, Alec, notre relation est vouée à l'échec, tu cherches quelque chose que je ne peux pas t'apporter... C'est fini. Je suis sûr que tu finiras par être heureux. En tout cas, je te le souhaite de tout cœur. » Elle se lève, dépose un baiser sur ma joue et disparaît de ma vie. Je suis abattu. Je ne crois pas être capable de me remettre de ce départ. J'aime cette fille, c'est sans doute une des rares personnes de ma vie que j'aime. Et je crois qu'elle m'aime. Mais elle ne veut plus de moi, et ça je n'arrive pas à l'admettre. Elle m'a clairement fait comprendre que j'étais le problème, a vrai dire. Avec nostalgie, je me rappelle de notre rencontre, de notre relation. Katherine était la fille de notre nettoyeur de piscine, moi qui était habitué aux pimbêche de la haute, j'avais été subjugué par sa simplicité. J'avais alors tout mis en œuvre pour la séduire, et après pas mal de péripéties, elle était enfin mienne. Ce fut une période de bonheur sans précédent. Petit à petit, je me suis ouvert à elle, lui expliquant ce vide que je ressentais en moi. Je ne lui ai rien caché, mon adoption, le manque d'amour que j'avais ressenti toute mon enfance, la superficialité de ma vie. Oui, je lui avais tout dit. A tort selon, elle. Elle avait vite dit que j'étais trop déglingué, qu'elle ne pouvait pas supporter que je me repose trop sur elle, qu'elle avait la pression et d'autre choses que je n'avais pas forcément comprises. Au début, la colère m'avait envahie... comment la seule personne au monde à qui j'avais jamais fais confiance pouvait me rejeter de la sorte ? Puis, quand j'avais compris qu'il n'y avait plus aucun espoir, avait commencé une abominable remise en question. Peut être qu'elle avait raison, au fond, je n'étais qu'un désastre, qui passait sa vie à se plaindre de son sort. Au fond, certains n'avaient pas eu ma chance, j'étais ingrat de me plaindre... Et j'ai continué les raisonnements comme ça. Si bien, qu'au final, cette rupture allait changer ma vie...
Londres 2011.
Aujourd'hui, j'ai changé du tout au tout. Déjà, j'ai échappée à l'autorité et aux projets de mes parents adoptifs. Délaissant leurs rêves de grandeur pour moi, j'ai fais quelque chose qu'ils ne m'ont pas encore pardonné : je suis entré à l'école de police. Imaginez leur honte quand ils ont dû annoncer à tous leurs amis que non, leur fils n'était pas à Harvard, mais qu'il se destinait plutôt à devenir un simple policier. Moi j'étais heureux de leur faire cet affront, mais je n'avais pas choisi cette carrière simplement pour les embêter. Non, je crois qu'au fond, j'avais toujours eue cette volonté au fond de moi. Ne serait-ce qu'à cause de la façon dont ma véritable mère était décédée. Et puis, je crois que le métier était fait pour moi, qu'il collait à ma personnalité. Surtout que j'avais la volonté de faire le bien. Oh bien sûr, mon caractère belliqueux m'avait valu quelques ennuis mais dans l'ensemble, j'étais apprécié par mes collègues. Je n'avais aucun grande, j'étais trop jeune, mais j'adorais mon métier, il me changeait les idées, m'empêchait de me concentrer sur le reste...
Le reste, c'est à dire ma vie privée. La rupture avec Katherine avait laissée des traces. Je ne m'étais ouvert à personne depuis elle. Je me contente de garder mes émotions négatives au fond de moi, c'est plus sûr. De toute façon, je n'étais pas certain de pouvoir faire confiance à quelqu'un à nouveau. Et puis, ma vie est moins vide, je pense, mon métier me donne une raison de me lever le matin. Pourtant, malgré ça, je me comporte comme un croqueur. Je vais dans les bars, je continue les fêtes, je donne très bien le change. Et au fond, je crois que je suis plus heureux.
C'était lors d'une fête absolument banale. Les gens me paraissaient toujours aussi chiants, l'alcool aidant à peine à les supporter. Je n'étais bien sûr pas en service, je buvais donc un peu mais pas assez pour ne pas m'ennuyer. J'avais déjà décliné les propositions indécentes d'une demoiselle plus que vulgaire et je me préparais à partir, ayant une longue route à faire jusqu'à Londres. Nous étions environ à deux heures de la capitale, au bord de la mer grise, glaciale. La fête avait eu lieu sur la plage, au pied des falaises, ce qui était en soi une très mauvaise idée. Nous étions en Angleterre, pas en Californie. C'est sans doute pourquoi il s'est mis très vite à pleuvoir. Heureusement, les parents de l'organisateur avaient une résidence secondaire tout près, on pourrait se réfugier dedans. Tout le monde avait accueilli cette proposition avec joie, et s'était précipité dans la direction indiquée. Tout le monde, sauf une personne, une fille, qui était partie à l'opposée, vers une crique. Au début, j'avais hoché la tête et était parti avec les autres, ce n'était pas mes affaires, si elle voulait être trempée, c'était son problème. Mais je m'étais ravisé, partant avec quelques minutes de retard à sa recherche. Quelqu'un devait l'avertir que les roches étaient acérés, glissants et qu'elle devrait peut être attendre pour faire sa petite promenade. Mais j'avais beau arpenter la crique de long en large, aveuglé par la pluie, je ne la voyais pas. M'étais-je trompé ? Avais-je eu une sorte d'hallucination ? Peut être qu'il n'y avait pas de fille, en fin de compte...J'allais rebrousser chemin quand j'avais vu quelque chose dans l'eau. J'avais compris en un éclair de seconde que c'était la fille, et ne réfléchissant pas, j'avais couru à son secours, enlevant juste mon sweat, qui contenait tout de même tous mes papiers, mes clés de voiture et autres trucs importants, et je m'étais jetée à l'eau. C'était plus horrible que tout ce que j'avais pu imaginer. L'eau était glacée, sombre, on n'y voyait rien. J'ai toutefois, réussi à la retrouver en plongeant. Elle ne se débattait pas dans l'eau glacée, j'en ai conclu qu'elle était inconsciente. Le souffle court, j'avais réussi à l'attraper par la taille et à la ramener laborieusement sur le rivage. Elle avait une entaille considérable sur le front, ce qui expliquait son inconscience. Elle avait dû se cogner sur les rochers mais elle n'était pas restée longtemps dans l'eau, j'étais vite intervenu. Elle avait donc vite repris connaissance. Mais elle était faible, à juste titre, je l'avais donc soutenue pour qu'elle se relève, passant un de ses bras autour de mon cou, la portant à moitié. Je ne savais pas quoi faire, devais-je la ramener à la maison à quelques mètres ou directement à l'hôpital ? Voyant qu'elle toussotait mais qu'elle reprenait conscience, j'avais tenté un ridicule :
« Ca va ? » Question idiote mais bon. Elle a hoché la tête, reprenant ses esprits plus rapidement que je ne le pensais, allant même jusqu'à s'écarter de moi. Les mots qu'elle prononça furent très inattendus.
« Je peux savoir pourquoi tu m'as suivie ? » J'étais prompte à la colère, et ce jour ne fut pas une exception.
« Et moi, je peux savoir ce que tu faisais sur les rochers ? Tu essayais de te suicider peut être ? » Une longue dispute s'en suivit, sous la pluie. J'étais vraiment tombé sur un phénomène. Ce que je ne savais pas c'est à quel point ce phénomène allait prendre de la place dans ma vie pour le futur...