Un soupire s’échappa des lèvres de la jeune fille alors qu’elle bouclait sa valise. Elle avait passé sa vie à Bath, c’était là qu’elle était née, qu’elle avait grandit. C’était là qu’était ses amis et sa vie, c’était là qu’il était lui. Elle avait seize ans, elle était encore jeune elle avait le temps de construire sa vie, le temps de l’oublier et de passer à autre chose. Tout le monde dit que les amours de lycée ne sont pas fait pour durer, alors elle ne devrait pas avoir de regrets à partir, sa mère ne cessait de lui dire qu’elle l’oublierait, qu’il l’oublierait et que ce serait mieux comme ça. Elle ne l’avait jamais aimé ce jeune homme. Il était trop ceci, pas assez cela. Mais il était tout pour Allyson. Plus que son petit ami, c’était un ami fidèle, celui qui ne l’avait jamais laissée tombée. Elle avait l’impression de le connaitre depuis à peu près toujours. Il avait longtemps été son meilleur ami, et déjà à cette époque là, sa mère ne l’aimait pas. Elle ne l’aimait pas parce que ce n’était pas un fils de riche, ce n’était pas un garçon qui s’habillé en costard cravate, ce n’était pas un garçon qui parlait comme au siècle dernier. Il n’était juste pas un garçon de son monde à elle. Elle, elle était née dans une famille riche, une famille trop riche. Son père dirigeait une grande entreprise multinationale et sa mère elle, s’occuper de planifier toute la vie de sa fille en faisant bien attention qu’aucun élément ne vienne gâcher ses plans. Malheureusement, il les avait gâchés. Il avait pris le cœur de sa fille, il mettait en péril ses plans. Il la faisait sortir, il la faisait boire, il la faisait se comporter comme une vraie fille de seize ans alors que madame Greenaway voulait qu’elle se comporte comme une fille bien plus mature et ce depuis toujours. Elle lui avait volée son enfance et voilà qu’elle tâchait de lui voler son adolescence. C’était tout à fait elle ça. Voilà qu’elle l’emmenait vivre à Londres soit disant que c’était pour le boulot de son père qu’ils partaient. Mais Allyson savait que ce n’était pas le cas, elle savait qu’elle voulait juste faire le tri dans les relations de sa fille. Allyson ne pouvait s’empêcher de la détester, de toute façon, elle ne méritait pas mieux, elle ne s’était jamais vraiment comporter comme une mère, alors bon. Elle ne lui pardonnerait jamais de l’éloigner comme ça de Bath. Elle soupira encore une fois, entendant sa mère crier son nom à tue-tête dans la grande maison. Il fallait partir, c’était l’heure. Elle jeta un dernier coup d’œil à sa chambre, ferma les yeux comme pour se remémorer tous les souvenirs qu’elle avait eu ici. Puis, elle quitta sa chambre, presque prête pour un nouveau départ.

Assise dans la voiture de sa mère, elle regardait le paysage défiler devant ses yeux, elle aurait aimé lui dire de s’arrêter, descendre et repartir en courant. Elle ne voulait pas partir. Plus elle s’éloignait de la ville plus elle sentait un pincement dans son cœur, plus elle avait envie de pleurer. Elle ne pleurerait pas, pas devant sa mère. Elle ne pouvait pas se résoudre à lui offrir cette douce victoire. Elle voulait paraitre forte, presque faire comme si elle s’en foutait pour ne pas que sa mère puisse se dire qu’elle avait raison d’éloigner sa fille de cette ville, parce que d’une façon ou d’une autre, elle avait tord. Elle ne montrerait jamais le moindre signe de faiblesse devant sa mère, c’était tout bonnement hors de question. Elle continuait de regarder le paysage, songeant à cette journée où elle lui avait dit qu’elle partait pour Londres, ils s’étaient jurés de rester en contact, que rien ne les séparerait. Cette fois elle avait pleuré, elle avait maudit sa mère de tout son être et elle avait envisagé de ne plus rentrer chez elle, histoire qu’ils partent sans elle mais elle avait vite abandonné l’idée et la voilà que le chemin pour Londres, le cœur lourd, les larmes au bord des yeux et envahie d’une colère indescriptible. Elle détestait déjà la ville de Londres, malgré tout ce qui pouvait en faire la plus fantastique des villes, elle la détestait.

Il ne s’agissait que d’une silhouette dans les rues de Londres, une ombre au loin. Mais c’était bel et bien lui. Celui à qui elle avait écrit une tonne de lettre, celui qui ne lui avait jamais répondu alors qu’il lui avait juré qu’il ne l’oublierait pas. Dix ans avaient passés, dix longues années pendant lesquels elle n’avait cessé d’espérer ne serait-ce qu’un coup de téléphone. Dix longues années pendant lesquelles elle avait plus d’une fois songer à partir pour Bath. Mais le temps avait passé, elle avait grandit, elle avait tenté de passer à autre chose, espérant que cela soit possible. Et puis, elle s’était laissée emportée par la vie, elle avait grandit même si au fond d’elle, elle restait une gamine rêvant d’espace et de liberté, là où elle restait condamnée à obéir bien sagement à sa mère. Elle était étudiante en droit, elle était devenue une jolie jeune femme riche et convoitée, elle avait connu des histoire d’amour mais jamais rien qui n’avait vraiment duré. Elle avait fini par bêtement suivre ses parents, suivre les plans de sa mère comme si elle était persuadée que si ce n’était pas lui à ses côtés, elle voulait bien y voir n’importe qui, épouser quelqu’un que sa mère approuverait et tant pis pour ses sentiments. Finalement, sa mère avait bel et bien réussit ce qu’elle avait toujours voulu, elle avait même fiancé sa fille à un riche type, un avocat. Un type bien, charmant, gentil, il avait tout pour plaire et si Allyson avait été moins accrochée au passé, elle aurait sans doute pu l’aimer d’un amour sincère. Lui, il semblait l’aimer et c’était peut-être tout ce don elle avait besoin, être aimée, même si elle était incapable de rendre cet amour. Elle était plantée là au beau milieu de cette rue, parce qu’elle était persuadé de l’avoir vu lui, et pourtant, elle n’avait pas bougée, comme paralysée. Elle était là dans une rue Londonienne plongée dans ses vieux souvenirs, cette vie lointaine qui n’était plus vraiment la sienne.

Non. Elle ne devait pas se résigner ainsi. Il fut une époque, ou elle était une vrai battante, ou elle ne baissait pas les bras avant d’avoir tout tenté. C’était comme ça qu’elle était avant, elle devait retrouver cette Allyson tout au fond d’elle, pour ça, il fallait qu’elle le revoit encore une fois. Prenant son courage à deux mains alors que la pluie commençait à tomber sur la capitale, elle se mit à courir dans la longue rue, sans vraiment savoir où elle allait, courir pour retrouver cette ombre qu’elle avait aperçu quelques instant plus tôt. Mais il était trop tard, aussi loin qu’elle pourrait courir, elle ne pourrait pas le retrouver, il était déjà partit, elle ne savait pas où, elle ne savait même pas si c’était lui. Elle fini par s’arrêter, trempée par la pluie. Trop tard pour elle, il ne lui restait plus qu’à oublier de nouveau et à continuer sa vie …